Souveraineté numérique : une nécessité stratégique pour les entreprises européennes

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Dans un monde où le numérique joue un rôle central dans nos économies et nos vies quotidiennes, la question de la souveraineté numérique est devenue incontournable pour les États comme pour les entreprises. Pourtant, force est de constater que l’Europe, et notamment la France, reste largement dépendante des géants technologiques américains pour ses infrastructures numériques critiques. Cette dépendance pose des risques stratégiques, tant sur le plan économique que politique, qu’il est urgent d’anticiper et de maîtriser.

Les géants de la tech : une puissance d’influence américaine

Les entreprises américaines telles que Meta (Facebook, Instagram), Apple, Google, Amazon et Microsoft, dominent largement le paysage numérique mondial. Ces acteurs disposent d’un pouvoir considérable, non seulement par leur contrôle des infrastructures numériques (cloud, plateformes sociales, moteurs de recherche), mais aussi par leur capacité à influer sur le débat public et les décisions politiques.

En témoigne la suspension récente des enquêtes européennes contre Apple, Meta et X (ex-Twitter), marquant une forme de pression économique et politique exercée par les États-Unis sur l’Union européenne. Cette situation met en lumière un fait préoccupant : la capacité des États-Unis à utiliser leurs géants technologiques comme leviers d’influence géopolitique.

Un alignement politique préoccupant

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a renforcé cette dynamique. Le président élu américain semble s’entourer des dirigeants des grandes entreprises technologiques pour soutenir ses ambitions géopolitiques. Ces entreprises, en retour, espèrent que cette alliance leur permettra de contourner les régulations européennes jugées trop contraignantes.

Par exemple, le retour de certains contenus politiques controversés sur les plateformes de Meta, au nom de la liberté d’expression, ou encore la menace d’amendes contre des États européens qui tenteraient de réguler ces plateformes, illustrent bien cet alignement stratégique entre la politique américaine et les intérêts des Big Tech.

Quels risques pour la France et les entreprises européennes ?

Cette dépendance aux solutions numériques américaines expose la France et les entreprises européennes à plusieurs risques majeurs :

1. Perte de contrôle sur les données sensibles

Les données personnelles et les informations stratégiques des citoyens et des entreprises européennes sont souvent hébergées sur des serveurs contrôlés par des entreprises américaines. Cela signifie que ces données peuvent être soumises aux lois américaines, notamment le Cloud Act, qui permet au gouvernement américain d’accéder aux données stockées à l’étranger par des entreprises américaines.

2. Vulnérabilité économique et politique

Le poids économique des GAFAM leur permet d’influencer les politiques publiques en Europe. En l’absence de solutions numériques souveraines, les entreprises européennes risquent de se retrouver prises au piège des décisions unilatérales des Big Tech, qui peuvent imposer leurs propres règles ou couper l’accès à certains services critiques.

3. Manipulation du débat public

Les plateformes sociales, comme X ou Facebook, jouent un rôle majeur dans la formation de l’opinion publique. Leur contrôle par des acteurs étrangers représente un risque de manipulation de l’information, pouvant influencer les processus démocratiques européens.

Une réponse européenne encore insuffisante

Face à ces défis, l’Union européenne a pris des mesures pour renforcer sa souveraineté numérique, notamment à travers le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Ces régulations visent à encadrer les pratiques des grandes plateformes numériques et à protéger les utilisateurs européens.

Cependant, ces initiatives restent fragiles face à la puissance des acteurs américains et aux pressions politiques exercées par Washington. Comme l’a souligné récemment le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, il est urgent que l’Europe applique fermement ses propres règles et prenne des mesures pour protéger son espace public.

Quelle voie pour les entreprises ?

Dans ce contexte, il est essentiel pour les entreprises françaises et européennes de réfléchir à des alternatives souveraines pour leurs infrastructures numériques. Plusieurs pistes peuvent être explorées :

  • Recourir à des solutions cloud européennes : Des acteurs comme OVHcloud, Scaleway ou Clever-Cloud offrent des alternatives crédibles pour héberger des données de manière sécurisée en Europe.
  • Renforcer la cybersécurité : Investir dans des solutions de cybersécurité européennes permettrait de mieux protéger les infrastructures critiques contre les ingérences étrangères.
  • Développer des partenariats technologiques européens : Encourager la collaboration entre les entreprises européennes pour créer des écosystèmes numériques souverains et compétitifs.